Présidentielles italiennes : incertitude politique et risque extrême pour les marchés
Par Christopher Dembik, Head of Macro Analysis chez Saxo Bank
L’Italie s’apprête à élire un nouveau président. Habituellement, cette élection est un non-événement. Pas cette fois. Bien que rééligible, le président sortant, Sergio Mattarella, ne se représentera pas. Il quittera ses fonctions le 3 février. Mario Draghi, l’actuel Premier ministre, est pressenti pour lui succéder. Sa nomination mènerait à la tenue d’élections anticipées et à une nouvelle période d’instabilité politique pour l’Italie, au pire moment qui soit. Pour la première fois dans l’histoire récente de l’Italie, l’élection présidentielle se double d’un enjeu économique qui représente potentiellement un risque extrême pour les marchés financiers.
Le travail de Draghi n’est pas terminé
Mario Draghi a apporté la stabilité politique en Italie. Il gère bien la crise sanitaire et ses conséquences. Par ailleurs, il a achevé et validé le laborieux processus de définition des projets, des cibles initiales et des objectifs de réforme pour accéder aux fonds du Plan de relance pour l’Europe (NextGenerationEU), dont l’Italie est le principal bénéficiaire. Elle devrait bientôt recevoir le premier versement sur un total de 191,5 milliards d'euros (prêts et subventions).
Mais son travail est loin d’être terminé. Draghi n’a pas encore eu le temps de s’attaquer aux problèmes économiques structurels de son pays. Parmi ceux-ci, le ralentissement de la productivité. Les données de l’OCDE montrent que les niveaux de productivité du travail des entreprises italiennes de moins de 10 employés, qui constituent une grande partie du modèle économique italien, sont inférieurs à ceux des autres pays. En moyenne, la valeur ajoutée par employé dans les entreprises italiennes est inférieure de 35 % à celle des entreprises allemandes.
Cette faible productivité de l’Italie peut s’expliquer notamment par le faible niveau de dépenses dans la recherche (1,4 % du PIB en 2018, contre 2,4 % dans la moyenne des pays de l’OCDE, selon les dernières données disponibles) couplé à des investissements insuffisants dans l’éducation et au retard accumulé dans l’adoption des nouvelles technologies. À cet égard, les investissements identifiés par le gouvernement italien (voir tableau ci-dessous), qui seront financés par le Plan de relance NextGenerationEU, pourraient être l’occasion rêvée de stimuler la productivité du travail. La mise en œuvre de ces investissements nécessitera une stabilité politique que seul Draghi peut apporter, selon nous.
Principaux investissements de stimulation de la croissance et la productivité identifiés par le gouvernement italien (initialement présentés à l’automne 2020 par l’ancien Premier ministre Giuseppe Conte).

Et si... ?
L’élection de Draghi à la présidence avancerait les élections générales d’un an : elles auraient lieu non pas en 2023, mais en 2022. Les sondages actuels donnent la victoire aux partis d’extrême droite (la Ligue et les Frères d’Italie), alliés à Forza Italia. Cette constellation pourrait conduire le pays à une nouvelle période d’instabilité politique, au pire moment qui soit. L’élection présidentielle italienne ne figure pas encore sur le radar des investisseurs, mais on peut s’attendre à un réveil brutal, à des turbulences sur le marché et à une volatilité des Euro-BTP en cas d’élections anticipées.
