La flambée des prix alimentaires frappe durement la consommation dans les pays développés

Par Christopher Dembik, Head of Macro Analysis chez Saxo Bank

La flambée des prix alimentaires ronge le pouvoir d’achat des ménages dans les pays développés. Le quintile des 15-20 % de revenus les plus faibles est le plus vulnérable, les prix des denrées alimentaires atteignant des records. Même avec des salaires plus élevés, la plupart des ménages ne sont pas en mesure de faire face à cette nouvelle situation et doivent faire des compromis pénibles (choisir entre les pâtes et la viande, par exemple). Il faut s’attendre à ce que la situation s’aggrave à court terme. Il s’ensuivra probablement une baisse importante de la consommation au cours des prochains trimestres. Cette évolution, déjà entamée dans certains pays tels que la France, doit être suivie de près car elle augmente le risque de stagflation, voire de récession.

L’indice des prix alimentaires publié par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a augmenté de 12,6 % entre février et mars. Il se situe désormais à ses plus hauts niveaux depuis sa création, en 1990. Le précédent record avait été établi en 2011 (à 137, contre 159 aujourd’hui) – voir le graphique ci-dessous. Les prix alimentaires sont dopés au niveau mondial tant par des facteurs temporaires que structurels, tels que l’augmentation du coût de la main-d’œuvre, les taux de fret maritime qui augmentent régulièrement depuis plus d’un an, la hausse du coût des matières premières, de mauvaises conditions météorologiques (vague de chaleur en Inde et au Pakistan en ce moment, par exemple), les restrictions à l’exportation, la forte demande de divers aliments (poulet et autres viandes dans plusieurs pays développés) et la forte demande de biocarburants qui a stimulé la demande spéculative des négociants non commerciaux, parmi beaucoup d’autres facteurs.

L’indice FAO des prix alimentaires (FFPI) est une mesure de la variation mensuelle des prix internationaux d’un panier de produits alimentaires. Il est constitué de la moyenne de cinq indices de prix de groupes de produits pondérés par les parts moyennes d’exportation de chacun des groupes sur la période 2014-2016.

Il faut s’attendre à ce que la situation s’aggrave, du moins à court terme

Nous savons déjà à quel point les pays émergents et en développement sont vulnérables aux fluctuations des prix alimentaires (32 pays d’Afrique importent environ 90 % de leurs aliments de base). Cette dépendance implique une plus grande instabilité politique dans le monde émergent. Mais ce qui est nouveau, c’est que les pays développés sont eux aussi durement touchés par la flambée des prix. Plusieurs de ces pays connaissent de fortes augmentations de salaire depuis la réouverture de l’économie (même dans la zone euro, où les salaires rattrapent enfin leur retard). Mais cela ne suffit pas pour faire face à l’inflation. Selon notre scénario de base, le quintile des revenus les plus faibles dans le monde développé (environ 15 à 20 % des ménages) sera confronté à une forte compression des revenus dans les mois à venir.

De nombreux produits alimentaires sont inélastiques par rapport au prix – ou n’y réagissent pas. Mais pas tous

On dit que les prix sont inélastiques lorsque leur augmentation n’induit pas une baisse de la consommation (la plupart du temps, parce que les articles sont considérés comme essentiels). Selon le ministère américain de l’Alimentation, l’élasticité-prix de la demande des ménages américains pour le pain et les céréales est de 0,04 – lorsque la valeur est bien inférieure à 1,0, cela signifie que l’article ne réagit pas au prix. C’est logique. Le pain et les céréales sont souvent des articles de base de la liste d’épicerie des ménages les plus pauvres. Il n’existe pas non plus de substitut immédiat. Des études montrent que seule une augmentation importante – lisez : à deux chiffres – des prix des articles de base peut entraîner une baisse de la consommation. Le ministère américain de l’Alimentation prend l’exemple d’une augmentation de 25 % du prix du pain entraînant une baisse de 1 % de la consommation. Toutefois, certains produits alimentaires sont élastiques par rapport au prix, comme les aliments hors foyer, les jus de fruits, les boissons gazeuses, etc. Toujours selon ce ministère, une augmentation de 10 % du prix des boissons gazeuses devrait réduire la consommation de 8 à 10 % en moyenne. Les ménages les plus pauvres doivent à présent faire un choix entre les pâtes et la viande fraîche. C’est aussi simple que cela. Une étude de l’INSEE, l’Institut national de la statistique français, montre ainsi qu’une hausse moyenne de 1 % du prix des céréales et des pâtes induit une baisse de 0,23 % de la quantité de viande consommée. En somme, les ménages renoncent aux dépenses considérées comme les plus coûteuses ou les plus “luxueuses” de leur liste de courses.

La hausse des prix alimentaires entraînera une baisse importante de la consommation

Dans le contexte actuel de forte inflation prolongée, la consommation de produits alimentaires essentiels (prix inélastiques) restera probablement stable dans la plupart des pays développés. Mais on assistera à une baisse de la consommation d’autres produits alimentaires et des dépenses non indispensables (voyages, électronique, hôtels, etc.). Plusieurs pays connaissent déjà une baisse significative de la consommation. En France, la consommation des ménages en biens a diminué de 1,3 % en volume en mars 2022. Cette baisse s’explique principalement par un recul de la consommation alimentaire (-2,5 %). Dans le détail, cela ne concerne que la demande alimentaire inélastique (sucreries et sucre, œufs, fromages, etc.). Cette situation est préoccupante. Comme, dans la plupart des pays développés, la consommation est le principal moteur de la croissance économique, cette baisse augmente le risque de stagflation ou, dans certains cas, de récession (au Royaume-Uni, typiquement). Il faut également s’attendre à des turbulences politiques. D’où je suis assis (dans les bureaux de Saxo à Paris), je ne serais pas surpris de voir la France confrontée après l’été à des manifestations massives contre la cherté de la vie et les prix alimentaires élevés. Rappelons qu’en 2018, le mouvement des Gilets jaunes avait été déclenché par une augmentation des prix du carburant. Ce qui est certain, c’est que cette fois, les années 20 ne seront pas les Années folles, contrairement à ce que plusieurs collègues ont cru lorsque les économies développées ont rouvert au printemps dernier. Les perspectives économiques sont plus sombres.

Christopher Dembik

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